venerdì 2 marzo 2018

Scrittori francesi online: 4. Mainfroy Maignial: «La question juive en France en 1789» (1903). - § 5. L’action du Poivoir royal.

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Testo online.
Mainfroy Maignial

La
QUESTION JUIVE
en France
en 1789

Paris
1903
Arthur Rousseau, Editeur
14, rue soufflot et rue toullier, 13

 § 4.

 L’action du Pouvoir royal.

CHAPITRE II

ACTIONS DIVERSES QUI S’EXERCÈRENT SUR LES JUIFS

II. — L’Action du Poivoir royal:
Le besoin fiscal.
L’extension de l’autorité royale.

Il ne rentre pas dans le cadre de cette étude d’étudier par le détail la conduite des rois de l’ancienne France à l’égard des juifs. Ce serait faire l’histoire des juifs dans notre pays. Et ce n’est pas là notre but mais seulement de dégager la part qui revint au pouvoir royal dans l’action des diverses forces qui avaient fait, dans l’ancien droit, les juifs tels que nous les trouvons en France au moment de la Révolution.

Si l’on embrasse d’un regard d’ensemble les siècles durant lesquels la monarchie française naissante tend, à travers des difficultés de toutes sortes, d’asseoir l’autorité royale, il apparaît que son effort est dominé par un double soin: D’une part, la création de ressources fiscales, d’autre part l’extension du domaine de la couronne: il fallait à la royauté pour la perfection de son œuvre, de l’argent et des sujets.

1° Le besoin fiscal. T↑— L’argent, comment en avoir dans ces temps où la production de la richesse est minime et le crédit inexistant. On ne pouvait songer ni à en produire, ni à en appeler. En face de populations pauvres et encore inertes, l’utilité des juifs apparut. Les juifs qui faisaient le commerce, qui maniaient toutes les choses précieuses. Les rois les distinguèrent vite et le premier service qu’ils demandèrent à ces hommes industrieux et  actifs fut de gérer leurs finances et de percevoir leurs impôts (1). 

Il appartenait au génie des premiers Carolingiens de  deviner le rôle auquel leurs qualités appelaient les juifs. Avec une persévérance que rien ne put entamer, ils leurs confièrent le soin de créer dans leur empire la vie commerciale. Ils virent que ces hommes entreprenants et qui étaient en relations avec les contrées les plus éloignées pouvaient seuls à ce moment établir le courant des transactions et fonder les relations internationales (2). Par tous les moyens en leur pouvoir ils leur facilitèrent la lâche. Nous avons vu quel fut le résultat de cette politique. Les juifs créèrent le grand commerce. Le but que s’étaient proposé les carolingiens était atteint lorsque survinrent les croisades qui firent perdre aux juifs leur caractère indispensable. Bien plus, par l’expérience qu’ils avaient acquise, ils constituaient des adversaires redoutables pour le commerce chrétien encore jeune et qui avait besoin de protection. Les juifs cessaient d’être utiles pour devenir gênants. Les rois avaient tiré d’eux tout ce qu’ils pouvaient en attendre. Ils ne se firent pas scrupule de s’en débarrasser. Philippe Ier les chassa de ses états.

Mais l’utilité qu’on pouvait attendre des juifs et qui venait de s’éteindre sous une forme, reparut bientôt sous une forme nouvelle. — Philippe-Auguste fut le premier à l’apercevoir. Les juifs étaient revenus en France sous les règnes de Louis VI et de Louis VII et y étaient à peu près rentrés en possession des richesses qu’ils possédaient avant l’expulsion. Philippe, pressé par le besoin d’argent, confisqua leurs créances en 1182 et les chassa. L’opération fut sans doute fructueuse pour le roi puisque, quelques années plus tard, se trouvant à nouveau à court d’argent, à la suite de sa guerre contre les anglais, il pensa de nouveau aux juifs. Il les rappela en 1198. Désormais une tradition était fondée: Chasser les juifs pour s’emparer de leurs richesses, les rappeler ensuite pour qu’ils recommencent à s’enrichir, puis les expulser à nouveau, puis les rappeler encore, ce fut toute la politique royale à l’égard des juifs depuis le xiie siècle jusqu’au xive. Ils devinrent la véritable vache à lait du fisc (3).

Les juifs, grâce à ce système, constituèrent pour les rois une précieuse ressource. On peut dire qu’ils veillèrent sur elle avec un soin jaloux (4). Ils l’exploitèrent avec une persévérance contre laquelle rien ne prévalut, aussi bien les foudres de l’Eglise que l’intérêt des populations. On vit les rois autoriser les juifs à faire l’usure moyennant une redevance préalablement versée au Trésor (5). Plus la main du roi pesait lourdement sur les juifs, plus ceux-ci pressuraient les populations (6), et lorsque ces dernières, exaspérées, massacraient leurs créanciers, les gens du roi étendaient sur eux une main protectrice (7) et faisaient rendre gorge à leurs spoliateurs (8). D’autres fois, les faveurs à eux consenties par le roi étaient si exorbitantes que les tribunaux refusaient d’y souscrire (9).

Quant à l’Eglise, elle s’éleva vainement contre la bienveillance des rois. Agobard, pour l’avoir fait trop violemment sous Louis le Débonnaire dut s’exiler (10), et Innocent III écrivit sans plus de succès en 1205, à Philippe-Auguste, pour le blâmer de sa clémence (11).

Mais il y eut plus encore. Tandis que l’Eglise voyait avec faveur la conversion des juifs, les rois frappèrent de confiscation les biens des convertis pour compenser la taxe que, par le fait du baptême, ils cessaient de percevoir sur eux (12). On voit combien une telle législation était contraire aux intérêts de l’Eglise. Cette opposition de vues entre les deux pouvoirs ne se relève pas seulement ici. La conduite des Carolingiens ne la marque pas moins. Tandis que l’Eglise faisait tous ses efforts pour isoler les juifs des chrétiens sur lesquels ils exerçaient un prosélytisme intense, Charlemagne et ses successeurs s’appliquèrent à les mêler le plus possible aux populations par le commerce et le maniement des capitaux. — Que peut-il rester après pareille constatation de cette opinion souvent émise, que les rois s’entendirent avec l’Eglise pour opprimer les juifs?

2° L’extension de l’autorité royale. T↑— Les rois, restreints dans leur domaine de la couronne, s’ingénient à augmenter le nombre de leurs sujets. Comme ils ne sont pas assez forts encore pour s’en faire en face d’une féodalité puissante, on les voit user d’autres moyens. Un des plus remarquables, à côté de l’aide apportée au mouvement d’émancipation des communes, fut la prétention du pouvoir royal à la propriété et à la protection générale des aubains. Les juifs étaient-ils des aubains? Les rois l’affirmèrent. C’était se créer au détriment des seigneurs une clientèle dans tout le pays. Le juif, soustrait à la juridiction du seigneur devient, a juif duroi. » Ce fut l’œuvre de saint Louis (13). Il s’attacha durant tout son règne à détacher les juifs de l’autorité féodale pour les placer sous la main du roi. Les conventions qu’il fait sur ce point avec ses barons sont significatives (14). — Les juifs sont désormais la propriété fiscale du roi (15), propriété qu’il défend rigoureusement contre les empiétements des seigneurs tant laïques qu’ecclésiastiques (16).

On le voit, la politique des rois à l’égard des juifs fut une politique d’intérêt. Les Mérovingiens les utilisèrent comme argentiers, les Carolingiens en firent des commerçants, les Capétiens leur demandèrent un accroissement de puissance et un secours fiscal. Etrangers à toute préoccupation autre que celle de l’intérêt, les rois maintinrent les juifs envers et contre tous, tant qu’ils pensèrent pouvoir tirer d’eux quelque profit. Le jour où ils crurent n’avoir plus rien à espérer des juifs ruinés et déchus, ils cédèrent volontiers au vœu des populations qui réclamaient leur expulsion (17). Le 17 septembre 1394, Charles VI bannit les juifs de France, à perpétuité (18).

L’action du peuple avait abouti à faire des juifs, des parias dans la société française. La politique des rois en fît des proscrits.

NOTE

(1) Déjà, sous les romains, les juifs avaient pris à ferme les droits du fisc. Capefigue, Histoire philosophique des juifs, p. 435. Paris, 1833.
(2) Charlemagne joint un juif à son ambassade auprès du Kalife Haroun.
(3) L’argent enlevé aux juifs, en 1306, par les soins de Guillaume de Nogaret servit à construire le port de Leucate. Dom Vaissète, IX, 318.
(4) En 1220, l’échiquier de Falaise rend responsable du meurtre d’un juif les bourgeois qui ne lui ont pas porté secours. Brussel, I, 2, chap. 39.
(5) « Lettres qui prolongent, moyennant finances, la demeure des juifs dans le royaume ». Paris, 15 oct. 1374. Isambert, t. V-VI, 540.
(6) « Pendant tout le moyen âge, les juifs ont fait l’indispensable intermédiaire entre le fisc et la victime du fisc, entre l’agent et le patient, pompant l’or d’en bas et le rendant au roi par en haut, avec une laide grimace, mais il leur en restait toujours quelque chose ». Michelet.
(7) Dom Vaissète, t. IX, 402-403.
(8) Dom Vaissète, V, G. 1369. L’évêque d’Albi, convaincu d’avoir facilité le pillage de leurs biens doit payer une amende.
(9) Depping, loc. cit., p. 303.
(10) Graëtz, Histoire dea Juifs. Paris, 1888, t. 111, 336 et s.
(11) Depping.
(12) Delamarre, Traité de la police, I, 304. Isambert, Ane. lois fr., III, 116, en note. Brussel, op. cit., p. 181. Guy oi, Réper t. dejurisp. V° Juif.
(13) Beugnot.
(14) V. les décisions de l’Assemblée de Melun. Depping.
(15) « Servi fiscales ». Mirabeau, Sur Moses Mendelssohn. p. 78. Londres, 1787.
(16) Dom Vaissète, IX. 62. En 1278, le Parlement de Paris ordonne aux juifs du roi à Béziers, qui s'étaient transportés de la juiverie du  roi, dans celle de l'évêque, de réintégrer la première. Le prélat leur avait fait construire une synagogue et fut condamné à une amende  pour avoir refusé de la démolir.
(17) Depping, 303 et s.
(18) Isambert, loc. cit., VI, 750.






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