martedì 27 febbraio 2018

Scrittori francesi online: 4. Mainfroy Maignial: «La question juive en France en 1789» (1903). - § 3. Comment les Juifs acquirent la caractère d’un élément distinct dans la société française.

 B. Home. §2. ↔︎ §4.
Testo online.
Mainfroy Maignial

La
QUESTION JUIVE
en France
en 1789

Paris
1903
Arthur Rousseau, Editeur
14, rue soufflot et rue toullier, 13

 § 3.

 Comment les Juifs acquirent la caractère d’un élément distinct dans la société française.

Testo online.
PREMIÈRE PARTIE

Les Juifs de France
avant la réforme 
de leur condition
par la loi de 1791

CHAPITRE PREMIER
Comment les Juifs
acquirent le caractere
d’un élément  distinc
dans la société française


Testo online.
Il serait difficile (1) de préciser exactement à quelle époque remonte dans la Gaule l’établissement des juifs. Dès l’an 222 on les trouve établis à Metz (2) et ce ne fut pas sans doute une des moindres raisons de leur rapide diffusion dans le pays que leur qualité de citoyens romains (3). Quand les Barbares envarirent les Gaules, ils trouvèrent les juifs établis dans tout le Midi, en Aquitaine, dans l’Orléanais, en Auvergne, à Arles, à Marseille, à Paris, à Narbonne surtout (4).

Moins solidement fixés dans le pays, les juifs eussent pu disparaître dans ce remaniement de la Gaule romaine. Mais ils avaient déjà su constituer des groupements autonomes qui leur permirent de bénéficier de la politique dont usèrent les envahisseurs à l’égard des peuples qu’ils trouvaient organisés sur le sol. Comme celles des gallo-romains, leurs institutions subsistèrent à l’abri du principe de la personnalité des leges. Mieux encore que tous les groupements qui à côté d’elles en usèrent, les communautés juives devaient s’accommoder de ce régime. De la Palestine les juifs avaient emporté avec leur Loi son esprit particulariste. C’était leur code plus encore que leur livre sacré. Strictement, minutieusement, il prévoyait et réglait les moindres actes de la vie journalière. Sous le couvert de prescriptions cérémonielles, il organisait les mœurs. Et les mœurs ainsi réglées n’étaient que la forme de leurs obligations religieuses: ces dernières détenaient donc en même temps toute la règle et toute la sanction de la loi civile.

Combien cette exigence de la vie des communautés juives trouva de satisfaction dans le régime nouveau, on le conçoit sans peine. C’était le rapprochement de tous ses membres, non seulement facilité par la loi barbare mais exigé à peine de mort du groupe. Un tel régime satisfaisait trop les aspirations les plus intimes des communautés juives, pour qu’elles n’en retirassent pas toute l’utilité. Il leur offrait la réalisation d’une cohésion plus grande entre frères; à l’abri de sa tolérance, c’était la séparation des gentils. Tout cela elles le lui demandèrent. Les Barbares étaient tolérants, les populations avaient assez de souci de leur propre conservation pour ne pas gêner leur entreprise: les communautés juives puisèrent à l’envi dans toutes ces circonstances au gré des besoins qui les caractérisaient. Elle réalisèrent des groupes doués d’une vie intense (5), auxquels la richesse et le savoir de leurs membres donnaient un éclat tout particulier (6). Elles participèrent comme corps de nation aux manifestations de la vie locale, on les voit suivre les funérailles des hommes considérables et en 587, les juifs d’Orléans, haranguent en hébreu le roi de Bourgogne, Gontram (7).

Gontram.
Les juifs avaient donc su se créer un isolement. En réalité ils ne s’étaient pas placés par ce fait dans une situation exceptionnelle. Ils n’avaient fait que ce qu’avaient fait autour d’eux les autres peuplades. Il est par suite tout naturel que, tant que se perpétua ce manque d’homogénéité nationale, leur isolement ne fît pas tache.

Cependant, peu à peu, les peuples divers qui occupaient le territoire, à raison de leur juxtaposition prolongée, tendaient à se pénétrer. Un travail d’unité se fait et, du sein des races différentes, une nation s’élabore. Avec la croyance à un Dieu commun, toutes ces races concourent à la formation d’une société qui sera la Chrétienté.

Mais cette unité qui avait eu son point de départ dans la révolution morale opérée par l’Eglise, avait été sans action sur les seuls juifs. Dans la fusion graduelle des groupements, le leur reste entier. Au xie siècle, « Le mélange des différents peuples n’en forma plus qu’un seul, de telle sorte qu’à la réserve des juifs dont le nombre était assez considérable dans la plupart des villes du pays, le reste des habitants ne forma plus qu’un seul peuple et une même nation » (8).

A mesure que se développe chez les populations le sentiment national, elles s’étonnent de voir des hommes qui sont restés étrangers à leur évolution. Ces juifs qui n’ont pas leur foi religieuse, qui ont des coutumes à eux, qui vivent ensemble (9), dont les actes de la vie quotidienne ne sont pas les leurs, qui ne s’habillent pas comme tout le monde, qui usent d’une langue incompréhensible, ces juifs leur apparaissent comme un élément hétérogène. A mesure qu’elles se pénètrent, elles s’irritent de la résistance que cette race offre à leur action.

Tant que l’isolement des juifs avait correspondu à l’isolement des autres races, les relations entre chrétiens et juifs avaient été nombreuses et amicales (10), de nombreux mariages mixtes avaient lieu (11). Les ecclésiastiques n’hésitent pas à s’asseoir à la table des juifs et l’évêque d’Uzès, saint Ferréol, accueille sous son toit les juifs marquants de son diocèse. Et ce qui prouve bien que cette cordialité entre chrétiens et juifs correspond bien réellement au sentiment des populations, c’est que les prohibitions des conciles ne parviennent pas à les empêcher. Vainement dès 465, le concile de Vannes interdit aux prêtres le commerce des juifs, et le concile d’Agde en 506 étend cette prohibition aux chrétiens. Près de trois siècles plus tard, l’évêque de Lyon, Agobard, s’élève encore contre les relations qui unissent les deux peuples. Ces faits prouvent bien que les prohibitions des conciles, auxquelles on a voulu (12) faire remonter l’animosité entre chrétiens et juifs, furent absolument impuissantes à l’engendrer tant qu’elles ne furent pas l’expression du sentiment national. Mais, lorsque à la (in du xe siècle, la France eut trouvé dans son unité réalisée, ce sentiment national, l’isolement des juifs au sein de leurs coutumes et de leurs habitudes apparut comme dangereux. Cet élément hétérogène avait toute l’apparence d’une race étrangère et l’époque n’était pas clémente aux étrangers. C’était, pour les juifs, se désigner d’eux-mêmes aux méfiances d’abord, aux persécutions ensuite, de populations fanatiques qui devaient fatalement peupler leur isolement de toute sorte de dangers (13).

Telle fut certainement la première cause de l’hostilité du peuple à l’égard des juifs. Ceux-ci s’isolèrent au milieu de lui, ils se donnèrent à eux-mêmes le caractère d’étrangers: et si on ne vit pas en eux les restes des « redoutables romains », comme ils devaient le dire plus tard (14), ne reconnaissaient-ils pas par là-même qu’ils avaient apparu aux populations comme une race étrangère?

Que « dans l’origine, la haine ait été exclusivement nationale » (15), c’est un aveu qu’il convient de retenir; car il renferme à lui seul, la reconnaissance du point de départ de la condition des juifs dans notre pays. Celle-ci apparut au moyen âge, comme le cas d’un peuple étranger qui s’était glissé parmi les chrétiens (16). Envisagée sous cet aspect, la question n’était pas fausse, car c’était bien là des hommes venus du dehors. Et si, à la vérité, ils s’agrégèrent par la suite des autochtones et les firent leurs, par le réseau serré de leur genre de vie, il ne convient pas d’en inférer que ce qui fit le juif, ce fut seulement une forme religieuse. Non, le juif ne fut pas « le plus souvent qu’un gaulois professant la religion Israélite » (17). Si les adeptes furent en effet nombreux à la suite d’un prosélytisme que nous établirons à son heure, il faut cependant raisonnablement admettre qu’ils s’agrégèrent à un élément étranger préexistant, dont ce n’est pas peu reconnaître la personnalité puissante que de noter qu’il sut si bien s’assimiler ces nouveaux venus qu’on ne les distingua plus de lui-même. Le judaïsme fut certainement, dans ses débuts en France, plus qu’une religion, comme l’ont soutenu Renan, et des anthropologistes comme Topinard, Hervé, Hovelacque. Ce fut un fait ethnographique, et la persistance du type palestinien ne peut s’expliquer que par une « filiation directe avec les types qui existaient en Judée, avant la dispersion » (18).

Comment les juifs acquirent-ils dans la société française une personnalité indépendante, nous le savons maintenant. C’étaient des étrangers qui étaient venus s’installer sur notre sol, apportant leurs lois nationales, leurs mœurs et leur religion, et qui, par l’attachement qu’ils y portèrent, ne purent pas perdre la qualité d’étrangers. L’unité sociale de la France, une fois faite, ils se trouvèrent en marge de la nouvelle société.

NOTE

(1) Depping, Les Juifs au moyen âge, p. 2. Paris, 1834.
(2) Glasson, Histoire du droit et des instit. de la France, t. I, p. 56. Paris, 1887.
(3) Graëtz, Histoire des juifs. Paris, 1888, t. III, p. 268 et Depping, p. 17.
(4) Sidoine Appolinaire, III, épisl. 4. IV, épist. 5. Dom Vaissète, édit. Privat, I, 531.
(5) Th. Reinach, Histoire des israélites. Paris, 1901, p. 103-4.
(6) Agôbard, D judœis.
(7) Depping, Les juifs dans le moyen âge, p. 37.
(8) Dom Vaissète, édit. Privât, t. III, 408.
(9) Th. Reinach, loc. cit., p. 104.
(10) Th. Reinach, loc. cit., p. 85.
(11) Graëtz, loc. cit., III, p. 268.
(12) Th. Reinach, loc. cit.. 85. Cf. Kahn, Les juifs de Paris au XVIIIe siècle p. 414. D’après qui «la haine contre les juifs serait uniquement l’œuvre de l’église.»
(13) C’est l’opinion de M. Th. Reinach dans son article de la Grande Encycl. V° Juif.
(14) Très humbles et très respectueuses représentations des juifs de la province d’Alsace. A. N. K. 1142, nos 45, 49.
(15) Très humbles et très respectueuses représentations des juifs de la province d’Alsace. A. N. K. 1142, nos 45, 19, p. 20.
(16) Bluntschli, Der Staat rumanien, p. 43.
(17) Renan, Le judaïsme comme race et comme religion. Paris, 1883, p. 22.
(18) Dr V. Jacques, secrétaire de la société anthropologique de Bruxelles, « types juifs » conférence N. Tb13 483. Cf. Revue philosophique, littéraire et politique, t. L, p. 68.


Top.

Nessun commento: